mercredi 3 novembre 2021

problèmes de polyglottes (3) - les sources et les envies

 AH, les sources!

Bon pour les sources, il est vrai, les choses se sont beaucoup améliorées depuis l'invention du net. La vieille étudiante que je suis peut faire la comparaison entre il y a 25 ans : attendre en croisant les doigts que le cinéma d'art et d'essai programme UN film russe ou allemand en VOST pour pouvoir en voir un dans l'année. Avec un peu de chance. Film que tu allais voir même si le sujet ne t'intéressais pas du tout, parce qu'il ne fallait pas louper l'occasion. et maintenant: audio et vidéo à volonté, sur des thèmes variés, de longueurs variées, en deux clics.


Quand tu apprends une langue qui a trop peu de locuteurs pour que tu puisse pratiquer régulièrement.
et que ces locuteurs habitent dans un pays à des milliers de kilomètres de toi.

Variante: quand tu veux apprendre une langue qui n'est enseignée qu'à Paris, sans option d'étude à distance...

Bon pour le géorgien je me débrouille en collectant des sources dans d'autres langues que le français, et je trouverais bien des gens à qui parler sur 4 millions de locuteurs.
Mais il va falloir beaucoup de patience et de motivation pour apprendre l'aïnou: 300 locuteurs sur le chapelet d'îles des Kouriles, au Japon, à l'autre bout de la planète, très âgés et isolés, parlant un isolat linguistique linguistique en voie de disparition, impossible à apprendre sans passer par le japonais - un autre isolat, pas des plus simples lui-même à apprendre.
comme j'ai des contacts tatar et bashkir, j'avais regardé un peu leurs langues: très peu de sources, et presque toutes via le russe.

Corrollaire:
Wikipédia a un seul bon article sur le sujet qui t'intéresse, dans une langue que tu ne comprends pas.
Et tu passes une ou deux heures à rechercher dans une dictionnaire chaque mot de l'article

Une ou deux heures, tu es modeste ...Parce que selon la langue, un traducteur en ligne peut donner une idée approximative suffisante pour voir si ça vaut le coup de creuser... ou quelque chose  de totalement chelou, parce qu'il ne fait pas par exemple coréen -> français, mais coréen > anglais> français. Et qu'il ne gère pas l'homographie ou les champs sémantiques et lexicaux convenablement.
Jusqu'à la vue, bébé!
Et encore même anglais -> français, c'est parfois moisi
Traduction canadienne, ce n'est pas comme si le Québec disposait de pas mal de gens qui parlent français et anglais.

oui, celui-ci est hors concours, il n'y a pas une phrase correcrte!

Ecouter une emission radio en pleine nuit parce que tu as besoin de pratiquer et que les locuteurs habitent sur un autre fuseau horaire.

solution: les podcasts!
Par contre pour les tandems, ça reste un problème . J'avais trouvé un correspondant très intéressant en Russie. Il habitait Vladivostok, donc au bout du bout de l'orient. On avait 7h00 d'écart et il n'était libre qu'entre 9h00 et 11h00 du matin, chez lui ( donc entre 2 et 4 chez moi). Impossible de faire autrement que de l'échange de mail, donc impossible de trouver une solution, vu que ce qu'il voulait, c'était de la pratique orale.

les dialectes

Que ce soit les langues régionales ( parler en allemand , mais être incapable de comprendre le kölsch de Cologne, être snobée à Bâle parce qu'on parle allemand et non Suisse-allemand, ne rien comprendre à la lecture de Berlin Qlexanderplatz qui a des pages entières en Dialecte berlinois ou à Buddenbroks qui a des pages entières en dialecte de Hambourg et d'autres en bavarois). Ou les niveaux de langues quand les gens se disent que tu as un bon niveau et te parlent en argot.

D'ailleurs c'est assez rigolo de voir une série sous-titrée parfois de manière trop polie ( les bandits russes de Лучше,чем люди sont les plus polis au monde. Quand ils s'énervent le sous-titrage donne des " zut " et des "oh non".. quand tu as clairement entendu " espèce de biiip, fils de biiip, ta mère la biiip" et autres du même genre)


Tu parles les deux langues de ton pays. Tu lis tout deux fois

ou être dans un pays bilingue...
Persil - Peterselie.. oui pendant un an en Belgique, je l'ai fait.
Et c'était assez comique quand j'ai parlé de fromage en chèvre à un germanophone. Sauf qu'au lieu de "Ziegenkäse", j'ai mélangé avec le néerlandais à force de le voir et je lui ai dont parlé de "Geitenkäse" ( Geitenkaas en néerlandais). A force de le voir écrit, j'ai confondu et mon correspondant ne comprenait absolument pas, vu que là, les mots sont très éloignés.

Et Les Envies?

Les échanges à l'étranger coûtent beaucoup plus que tu ne peux te permettre, même avec une bourse

Je vais donc voir ça bientôt. Et me saigner aux 4 veines en espérant trouver un petit job en plus de celui que j'ai déjà ( 200/250 euros le mois, c'est déjà ça, vu que ça va être galère pour la bourse). Mais oui, j'ai mis un an de salaire de côté rien que pour ça. Par contre le visa m'a coûté un bras (44,20€ de train pour aller deux fois à Marseille déposer la demande et récupérer le visa, + 210€ de visa express pour l'avoir à temps). Je peux encore rajouter d'autres frais: le train et la navette pour aller à l'aéroport, les inscriptions variées à l'université, le taxi pour aller de l'aéroport à l'université une fois là bas, le logement.. ça va encore me coûter l'autre!

Et ça c'est quand on peut voyager.

Tu étudies 10 000 langues.
Tu n'as pas les moyens de voyager.
Tes camarades monolingues traversent la galaxie tous les ans.

Mon sens de l'humour :D
Mais oui, je me souviens d'une lycéenne, dans le même job d'été que moi il y a .. ha oui 21 ans.
Elle 16 ans: "moi je suis entrée là par mon parrain qui travaille à l'accueil, mais c'est juste pour me faire un peu de sous parce que mes parents m'offrent un voyage à Ibiza le mois prochain. Mais avec ce qu'ils me donnent comme argent de poche je n'aurais pas de quoi faire la fête plus de deux jours... Et toi tu vas faire quoi avec cet argent?"
"Moi? ( rappelle- toi que ce n'est pas légal de défenestrer une collègue, même une insupportable gosse de riche): ho moi? Je vais me réinscrire à l'université, payer mon assurance, mes fournitures, les livres, l'inscription au conservatoire, l'assurance de l'instrument et s'il en reste un peu après ça, je m'offrirai un café sur la place du marché". Elle n'a pas compris le sarcasme ni l'ironie.

Et ensuite... une fois que tu as ton diplôme?

Maintenant que tu as ton diplôme tu vas utiliser ton temps libre pour apprendre les langues

Deux possibilités, soit tu as passé un diplôme totalement dans un autre domaine qui ne te laissait pas le temps d'apprendre les langues. Soit tu as passé un diplôme de langue tellement prenant qu'il ne t'a pas laissé le temps d'apprendre d'autres langues. Ou tellement théorique que tu sais analyser l'emploi du point-virgule chez Dostoïevksi, mais pas comprendre, au pif, les jurons d'un bandit de film.

Tu découvre que quelqu'un que tu connais a étudié le sanskrit.
Tu en as le souffle coupé


Ou quand tu découvres après 2 ans de discussion que ton corrspondant, qui parle allemand et russe apprend aussi un peu l'hébreu: vas-y je te soutiens à fond, tu m'épates, foooonce!
Ou que ton oncle te dis " hoo c'est dommage que tu partes lundi, mardi il y a le beau-fils des voisins qui arrive, c'est un allemand, il parle français, apprend le russe, il parle arménien ou géorgien, chais plus trop, peut être les deux, en fait il connait beaucoup de langues."... "Tonton, je prolonge mes vacances chez toi jusqu'à jeudi, je DOIS faire sa connaissance"

Un prof mentionne le basque comme étant un isolat total
"je vais apprendre cette langue!"


Haaa, ça c'est le piège auquel il est dur de résister. Mais je tiens à signaler qu'il faut quand même en général une motivation plus forte que la simple curiosité pour s'y tenir. Sinon on risque de commencer et de se démotiver vite. Apprendre une langue demande du temps, de l'argent, de la motivation et de la régularité.
Si la motivation n'est pas plus que "ça a l'air cool, en plus je ne connais personne qui la parle, c'est stylé"... ça n'est pas assez. Après, la découverte peut devenir un coup de coeur. Mais c'est rare.
J'ai connu des étudiants en traduction qui ont voulu apprendre le russe, l'arabe ou le chinois parce que " ça paye plus que les autres langues". La plupart ont changé pour l'anglais, l'italien ou l'espagnol au bout d'un trimestre. La difficulté était trop élevée pour se motiver à poursuivre dans le seul but de gagner plus de sous 5 ou 6 ans plus tard.

J'interroge toujours mes motivations. Sans un réel intérêt pour le pays, sa culture, sa cuisine, ou pourquoi pas, un de ses habitants ou une de ses habitantes... c'est mal parti.
Et il n'y a pas de honte à laisser de côté ou abandonner une langue qu'on a commencé à un moment pour une raison qui était légitime à un moment, mais qui ne l'est plus (dans mon cas le néerlandais pour passer un an en Belgique, ou le japonais pour des voyages au Japon).

Par contre une très très mauvaise raison pour commencer une langues est, pour moi,  "pour impressionner les gens" ou " pour en épingler une de plus à son tableau de chasse". Apprendre le Toki pona, même si ça peut se faire rapidement, puisque la langue a été construite dans ce but, parce qu'on s'intéresse au processus de construction d'une langue artificielle, par curiosité scientifique, ou qu'on se dit qu'il y a un potentiel pour communiquer avec des gens handicapés ok.
L'apprendre juste pour pouvoir cocher l'objectif " je parle 10 langues" et qu'il en manquait une, qu'elle est facile, c'est léger quand même.
Mais je crois avoir dit déjà par ailleurs ce que je pense des polyglottes vantards, ceux qui font des concours " cékikipisseleplusloin".
Il ne faut pas oublier que parler X langues, c'est avant tout oublier et mélanger X langues. A part quelques mutants (je ne vois que ça comme explication) dotés d'une mémoire hors du commun, et qui ont de naissance déjà un bilinguisme ou trilinguisme, c'est déjà les 12 travaux d'Hercule pour entretenir régulièrement 3 langues étrangères sans que l'une ne soit délaissée.


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