dimanche 12 décembre 2021

6° mois en Géorgie

Et après de loooongs mois d'attente, me voici arrivée en russie, il y a un peu moins de 3 semaines.
3 semaines pendant lesquelles, pour cause d'installation et d'intense activité administrative, le géorgien est vriament passé à petite vitesse.
hé oui, arriver pour étudier dans un pays étranger, c'est toute une odyssée. Installation, démarches diverses, cours, courses, découverte du quartier, vaccin local ( pas le choix, si je veux pouvoir dans les semaines qui viennent aller visiter les musées , aller au théâtre, au concert...)
Et faire commuer le certificat vaccinal en QR code est un parcours du combattant.

Mais, je suis à côté d'une des plus belles librairies du monde, un bonheur pour les amateurs de langues. En effet, pour qui apprend le russe, il y a des rayonages dédiés aux langues slaves: polonais, ukrainien et bulgare en tête, mais aussi tchèque, slovaque, croate, macédonien; Aux langues des anciennes RSS: kirghize, kazakh, turkmène, azéri, arménien, géorgien .. oh, j'vais fouiller là!
Il y a des méthodes de tatar ( seconde langue en nombre de locuteurs sur le territoire russe), beacuoup de ressource pour els langues des pays baltes et de scandinavie ( proximité géographique oblige).
Mais étonnamment, peu de choses sur les langues minoritaires, encore que j'ai vu un ou deux ouvrages sur le carélien et le vespe.
J'ai donc investi pour très peu cher dans un manuel "le géorgien sans tuteur", qui ne vaudrait rien employé seul, car il n'y a pas de support audio. Mais il a l'avantage de proposer des exercices autocorrectifs, donc vu que ce n'est pas un livre de qualité, je m'autorise à écrire dessus ( au crayon gris!). ainsi qu'un dictionnaire compact russe géorgien, qui contrairement à beaucoup, note la prononciation en alphabet plus ou moins API ( la plupart utilisent le truc d'écrire la prononciation du géorgien à l'aide du cyrillique, ce qui est pour moi une source de perturbation beaucoup plus qu'une aide, tant j'ai assimilé le cyrillique au russe)

C'est parti!

Et devinez ce qui est juste à côté de la résidence universitaire? un restaurant géorgien, que je suis bien sûr déjà aller tester.
Il y en a beaucoup à Saint Petersbourg, la nourriture du Caucase semble être à la mode. En tout cas, celui, juste au pied de l'immeuble est mieux que le premier que j'avais testé, donc pourquoi aller chercher ailleurs ce que j'ai juste à côté?

Et cette fois, après avoir évoqué des chanteuses, un danseur, un rikishi.. je vais présenter un peintre.
Jusqu'à il y a peu je n'en avais jamais entendu parler, et.. dans le fond, ses tableaux ne m'intéressent pas vraiment.
Mais son histoire est étonnante, bien que très emblématique de la vie des peintres  à la fin du XIX° siècle, quel que soit le pays.

Il s'agit de Nikoloz Pirosmanachvili (1862 - 1918), alias Niko Pirosmani, spécialiste de peinture naïve ( ce qui n'est pas mon truc), représentant des costumes traditionnels, des activités traditionnelles géorgienne, des animaux stylisés, etc...

Et emblématique, dans le sens où il a vécu pauvre et est mort pauvre, n'arrivant pas à joindre les deux bouts la plupart du temps et exerçants divers métiers pour survivre: peintre en batiment, peintre d'enseignes pour magasins et restaurants, laitier etc... Il n'est pas mort lors de la I° Guerre Mondiale, mais de la grippe espagnole qui a immédiatement suivi, parce que affaibli par la misère et le manque de nourriture. Un parcours comme tant d'autres pour les artistes de cette époque, contraints de vendre leurs oeuvres une bouchée de pain, avec comm seule horizon la survie quotidienne.
Pourquoi en parler plutôt que d'un autre?

Parce que ce monsieur ordinairement si économe est connu pour une action d'éclat, totalement déraisonnable: En 1905, un théâtre français est venu en tournée en Géorgie. Il est allé voir la représentation est est devenu fan, absolument fan enragé de l'actrice principale, Maguerite de Sèvres. Une jeune femme libre qui préférait ne pas s'attacher à une personne en particulier, et estimant que son métier ses tournées ne lui permettaient pas d'avoir une relation normale avec quiconque. Jusque là, on ne peut rien lui reprocher, c'est une réaction pleine de bon sens. Autant rester célibataire plutôt que de se forcer et finalement condamner quelqu'un d'autre à être malheureux.

Niko est donc devenu un fan qui suivait partout son idole, lui envoyait des lettres passionnées, restait des heures devant son hôtel en espérant la voir et lui parler ( ce qui du coup faisait flipper Marguerite, on la comprend, qui évitait d'autant plus de le croiser. ) Et pour l'anniversaire de la vedette, Nikoloz qui n'avait pas un sou vaillant, s'est ruiné, a vendu tout ce qu'il pouvait vendre, et acheté tout ce qu'il a pu trouver de fleurs dans toute la ville pour les déposer sous la fenêtre de Marguerite, qui l'a quand même remercié, c'est un minimum.
L'actrice est repartie en France et ils ne se sont plus jamais revus.

Peut-on blâmer Marguerite? Assurément non, le monsieur ne lui plaisait pas, d'autant qu'il avait 23 ans de plus qu'elle. Donc gardons à l'esprit qu'elle avait 20 ans et son galant 43, et toutes les femmes nont plus ne cherchent pas un protecteur plus âgé, même à à cette époque. Elle n'a pas cherché a être poursuivie par un fan aussi envahissant et ne lui a pas fait croire qu'il avait une chance. Elle n'est pas non plus la cause de sa ruine, puisqu'il a lui-même décidé cette action déraisonnable qui lui a attiré attention et renommée, mais pas forcément dans le bon sens. Bon, la réalité a probablement été déformée, amplifiée, enjolivée...
Mais c'est le problème des gens qui font tout pour quelqu'un, qui ne leur a jamais rien demandé. Le public étant friand de ce genre d'histoires, c'est celui ou celle qui veut être tranquille, qui a le mauvais rôle et reçoit l'étiquette de sans-coeur, garce, monstre etc...

Mais cette histoire d'amour sans issue aurait fini par tomber dans l'oubli, en même temps que ses protagonistes  si elle n'avait fait l'objet d'une chanson russe ultra célèbre, datant de 1982, Mиллион алых роз " un million de roses rouges". Je connaissais la chanson depuis longtemps, sans savoir qu'elle était liée un fait et à des personnages réels (impossible de trouver la moindre information en français sur Marguerite, probablement actrice au talent pas si inoubliable que ça, et seule cette histoire embarassante a laissé une trace... en URSS)
Dire que ce texte m'a toujours paru absurde, que j'y voyais une version symbolique et exagérée d'une déclaration d'amour. Une sorte de conte peu réaliste pour imaginations enflammées. Ce qui m'a fait penser " faudrait être dingue pour faire ça, ce n'est pas crédible ".
Ben, si, quelqu'un a réellement fait ça.


alerte kitsch, ce sont les années 80...


Жил-был художник один
(il était une fois un peintre)
Домик имел и холсты
(qui avait une petite maison et des toiles)
Но он актрису любил
(mais il aimait une actrice)
Ту, что любила цветы
(qui elle, aimait les fleurs)
Он тогда продал свой дом
( donc il a vendu sa maison)
Продал картины и кров
(il a vendu ses tableaux et son toit)
И на все деньги купил
( et avec tout cet argent, il a acheté)
Целое море цветов
( toute une mer de fleurs)
Миллион, миллион, миллион алых роз
(un million de roses rouges)
Из окна, из окна, из окна видишь ты
( que tu vois par la fenêtre)
Кто влюблен, кто влюблен, кто влюблен и всерьез
(celui qui t'aime est sérieux)
Свою жизнь для тебя превратит в цветы
(il a transformé sa vie en fleurs pour toi)

Ca peut faire rêver certaines, moi pas. Je préfère les gens plus mesurés et économes quand même. Et moins obsessifs. Et moins chelous en fait.
Pour moi, ça reste quand même l'histoire d'une femme qui est, dans le fond, victime d'un harceleur, a eu la magnanimité de ne pas porter plainte et d'un gars, probablement pas très stable émotionnellement,  qui a poussé l'admiration bien trop loin. Donc il n'y a pas de coupable, seulement deux victimes.

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