dimanche 13 mai 2018

Accent(s)

LA pierre d'achoppement quand on apprend une langue et qu'on se dit "mon accent est moisi, affreusement français".
Déjà, c'est une bonne nouvelle, quelque part, puisqu'on se rend compte de la différence entre ce qu'on produit et ce qu'on "devrait" produire dans l'idéal.  Vous avez une bonne oreille, et c'est bien. C'est ce qui va permettre de s'améliorer.

Mais d'un autre côté, est-ce que c'est un vrai problème du moment qu'on vous comprend?


Je vais partir d'exemples concrets:

Une petite anecdote quand j'étais au lycée, j'ai fait 3 ans de russe, mais ça n'existait pas à la fac, donc pour ne pas laisser tomber j'ai d'abord essayé le CNED, mais comme je faisais fac d'Allemand, je n'ai pas réussi à le caser dans le planning déjà chargé des révisions.
Après j'ai essayé de reprendre avec une prof, en petit groupe chez elle: elle a totalement focalisée sur un point,un seul qu'elle me reprochait à chaque fois : je ne faisais pas assez de différence à l'oral entre les L durs et les L "liquides". Tous mes L étaient et sont encore pareil, parce que je n'entends pas la différence. Mes L sont toujours affreusement français.
Ca m'a bloquée parce que j'avais l'impression de ne pas avancer, d'être incapable, et que personne ne me comprendrais jamais. Et j'ai laissé tomber.

Ce n'est qu'en reprenant l'an dernier que je me suis dit " ,en fait, on s'en fout , non? il y aura quoi.. une poignée de mots sur lesquels ça va faire une ambiguïté? Au pire je ferai sourire les gens avec mon accent rigolo, ou parce que j'ai mal accentué et que j'ai dit " pisser" au lieu de "écrire", c'est loin d'être un drame. Et il y a des étrangers qui ont chanté en français avec un accent absolument craquant, donc...on s'en tamponne de mes L trop français en russe"

Autre anecdote: après l'allemand, en fac, j'ai du à mon corps défendant me réorienter ( parce que la section a été supprimée sans qu'on ai pensé à m'avertir, donc j'ai eu le choix entre changer d'orientation, ou attendre un an à ne rien faire pour changer d'université. Pas de place en programme européen de volontariat à ce moment là, et on ne m'a pas parlé du  woofing l'époque, c'était en 1997/98, donc laissez tomber l'idée que j'aurais pu me renseigner sur le net), j'ai donc fait orientation FLE pour enseigner le français à des adultes étrangers.
Et là, une prof bretonne, qui vient en PACA enseigner à une classer d'environ 25/30 étudiants, à majorité originaire de PACA, et nous reproche de ne pas avoir le " bon accent" ( parce que chez nous, les -ait, -ais, -aient, finaux se prononcent toujours "é", c'est comme ça depuis notre enfance: le lait, ça se dira le "lé", pas le"lè").. alors que de notre point de vue, elle avait un accent breton à couper au couteau. Je la soupçonne d'avoir été mutée en PACA contre son gré, pare qu'à côté elle animait un atelier sur  la littérature francophone québécoise, et n'a jamais critiqué les québécois sur leur accent pourtant marqué.

3° anecdote: au lycée, j'avais un camarade, Pierre, dit " Pedro" qui faisait comme moi espagnol LV2. Il était parfaitement bilingue, car il passait tous ses étés depuis sa naissance chez sa grand-mère en Andalousie. Il n'était pas très bon en classe, sauf évidemment en Espagnol.. à l'écrit. La prof de première l'avait pris en grippe à l'oral, lui reprochant devant toute la classe de ne pas avoir " l'accent académique". Donc on avait un élève qui cumulait les notes entre 17 et 20 à l'écrit, mais n'avait jamais la moyenne à l'oral  avec cette prof, parce qu'elle n'aimait pas sont accent du sud. Ce qui me révoltait autant que lui.
La même prof tait fan absolue de Paco Ibañez, chanteur né à Valencia, donc.. avec probablement son accent régional.

Donc:
- quoi qu'on dise, il y aura toujours quelqu'un qui parce qu'il a passé un diplôme où est natif se croira le mieux placé pour pinailler sur un détail. Parce que Marina la russe était de Saint Petersbourg, une prof de Novgorod, Moscou ou Vladivostok, m'aurait peut être foutu la paix avec mes L, il y a probablement des régions russes où on ne fait pas la différence entre L dur et L liquide, comme on ne fait pas celle entre"é" et "è" en PACA. Le but c'est d'être compris, pas de parler une langue forcément aussi bien Jodie Foster parle français, combien d'américains en sont capables?

- la France n'est pas un pays immense au niveau géographique, et nous ne sommes même pas foutus de nous mettre d'accord entre le nord est le sud. Pire, en tant qu'avignonnaise, je bondis quand on imite l'accent "provençal" en le résumant à celui de Marseille. Car oui, à 100 bornes au sud, il y a des différences qui me sautent aux oreilles. Et à Nice, n'en parlons pas...
Comme les belges liégeois pètent un câble lorsque les français imitent l'accent bruxellois .
Le français est parlé sur tous les continents, en  langue officielle, co-officielle, seconde.. avec autant d'accents différents que possible, que ce soit à saint George de L'Oyapock, à Saint Denis de la Réunion, à Québec, à Chicoutimi, à  Charleroi, à Verviers, à Libreville, à Yopougon ou ailleurs.. Va définir qui a le "bon"?
 Je ne conseillerais pas à quelqu'un qui débute en français d'appendre avec moi, selon que son projet est d'aller habiter Montréal ( au Québec) ou Montréal (dans l'Aude, l'Ardèche, l'Yonne...), autant commencer directement avec l'accent qu'il lui faudra comprendre au quotidien.

Et comme rien ne vaut l'exemple, une petite série de gens qui ont choisi de s'exprimer en français, ont un accent peu marqué pour certains, très marqué pour d'autres et c'est très bien comme ça.

Je n'ai pas sélectionné de chanteurs et chanteuses classiques, car c'est un domaine où on est facilement amené à chanter en plusieurs langues, parfois même plus souvent que dans sa langue natale, et non un choix personnel ( même si quelqu'un comme l'américain Rockwell Blake a un français - et un italien - quasiment parfaits) et où là, oui, la perfection de la prononciation fait partie intégrante de la performance artistique.
De même  que les gens venus de pays francophones ou en partie francophones ( Youssou N'Dour qui est sénégalais, Salif Keita qui est malien, ou la béninoise Angélique Kidjo par exemple... ), c'est une autre approche, mais plus axée sur l'idée de francophonie que de langue étrangère, et ça n'est pas mon but ici.

Allez zou, je parie que je peux vous trouver au moins dix exemple, autant de femmes que d'hommes, et tous d'origines différents, chiche?

Graeme Allwright - néo- Zélandais (que j'ai pris très longtemps pour un australien, quelqu'un avait du se tromper la première fois que j'en ai entendu parler et ça m'est resté)


Petula Clark - Anglaise

Leonard Cohen - canadien montréalais anglophone ( et mon coup de coeur vocal de toujours, il fait partie  du club très restreint des gens que je ne connaissais pas pour qui j'ai versé une larme à leur mort). Cette chanson, reprise de la franco-russe Anna Marly , en anglais et français est fabuleuse

Nina Simone- américaine ( qui reprend ici en Jazz  et en français Jacques Brel) Le cas est particulier, puisqu'il s'agit d'une reprise textuelle et non d'une composition originale de sa part. Mais je me devais d'inclure du jazz.

Dans la même catégorie, j'aurais pu intégrer Grace Jones qui fait swinguer la vie en Rose ou Louis Armstrong qui la nappe d'un solo de trompette bien classe.

Mais il n'y a pas que des anglophones de naissance.

Geoffrey Oryema - ougandais

Melina Mercouri - grecque. J'aurais aussi pu choisir son compatriote Demis Roussos...

Paolo Conte - italien ( vous savez maintenant quelles sont les voix qui me font craquer)

Anggun - Indonésienne ( qui chante beaucoup plus en français qu'en bahasa indonesia. Je ne l'apprécie pas particulièrement, mais je ne pouvais pas la passer sous silence, vu qu'il n'y a pas énormément de gens venus de ce coin là qui ont choisi le français comme langue d'expression)


Mecano - groupe espagnol

 Vladimir Vyssotski - russe

Pari tenu: 10 interprètes, 5 hommes, 5 femmes, tous de pays différents, venus de tous les continents.
Ce n'est qu'une petite sélection, j'aurais bien sûr pu ajouter les très attendues Nana Mouskouri,  Dalida ou Jane Birkin, mais là n'est pas la question.

La question est simple: tous ces gens ont osé s'exprimer en français alors que ça n'est pas leur langue d'origine. On critique leur accent ou on les applaudit?
Je crois que c'est vite vu.

La conclusion est donc: réfléchissez un moment, pourquoi SE reprocher d'avoir un accent, et attendre de parler comme un natif, alors qu'on ne le reprocherait pas aux autres?
Faire de son mieux, oui, bien sûr, essayer de ne pas en avoir trop, pourquoi pas, mais il ne faut pas non plus que ça vire à l'obsession.
Tant pis pour mes L.

Ah, et bien sûr... je dédie ce sujet à Françoise G. la prof d'espagnol bornée qui critiquait Pierre/Pedro sur son accent non académique:
Voilà pour elle Paco Ibañez.
En français.
Qui reprend avec son accent espagnol une chanson de George Moustaki ( pour mémoire, moitié-grec, moitié Italien né en Egypte)

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