vendredi 1 février 2019

les langues internationales, le problème de l'espéranto et de l'anglais

Suite à ce que je commençais à dire sur le précédent sujet, mais que j'ai préféré au final séparer. Car il y a beaucoup à dire.



J'assume donc totalement: l'idée en soi de l'espéranto est plutôt cool. Et je serais 100% d'accord pour que cette langue artificielle, ou une autre, soit choisie comme "lingua franca" internationale plutôt que l'anglais, plutôt qu'un mauvais anglais, qui en plus semble justifier une suprématie et un sentiment de supériorité des pays anglophones.


Ce qui a deux conséquences:

- certains anglophones, qui ne font pas l'effort d'apprendre des bases d'autres langues, convaincus que ça ne sert à rien car tout le monde apprend la leur.
Je parle plutôt bien anglais, il m'est arrivé de faire celle qui ne le connaissait pas parce qu'on m'avait abordée dans la rue d'un très cavalier " Hey, girl, where is.."sans avoir la simple politesse de me dire " excuse me, do you speak english?. J'ai un jour conseillé à quelqu'un sur un forum qui venait voyager en France et s'inquiétait de notre réputation de nuls en anglais d'apprendre par coeur la phrase " bonjour, désolée je ne parle pas français, est-ce que vous parlez anglais?", même si c'était la seule qu'elle apprendrait de sa vie, et que d'un seul coup, les gens feraient l'effort d'essayer de lui répondre , même avec un accent moisi.

Ca a le don de m'énerver qu'on estime "obligatoire" de connaitre l'anglais au point de ne même pas demander si c'est le cas.
Et récemment en manif à Bruxelles, j'y ai eu droit par, quelqu'un venu marcher pour le climat, probablement depuis Londres, qui m'a spontanément filé ses tracs en me les expliquant en anglais. Dans un pays officiellement trilingue français/ néerlandais/ allemand.

Ma réaction:
" vous parlez français?" no
" Sprechen Sie Deutsch?" no
" habla usted español?" no..
" spreek u nederlands?" encore no.
"вы говорите по русски?" évidemment que no.
Bon, ben je fais l'effort de te répondre dans 5 langues différentes, tu pourrais au moins faire celui de me demander si je parle la tienne avant de me filer tes tracts.
Oui je suis susceptible surtout quand on me démarche sans avoir même la plus élémentaire politesse de dire "bonjour" au début de la phrase :D

ce qui amène à la deuxième conséquence

- Demandez aux Français pourquoi ils veulent apprendre  l'anglais la réponse sera 99 fois sur 100: "parce que c'est obligé" pour le travail, pour les voyages, parce que c'est "la langue internationale", mais leur motivation personnelle n'est nulle part.Passion pour la littérature anglais? Pour les séries anglaise? envie d'aller visiter le grand canyon ou le bush australien? non, juste "obligation". On ne fait jamais rien de bon par obligation. Et pourquoi s'astreindre à quelque chose qu'on n'aime pas, ou qui ne nous attire pas, sous prétexte que c'est ce que la société attend. On n'y sera pas forcément bon, au mieux , moyen, sans grande conviction, alors qu'on ferait peut être des étincelles dans une autre langue. Franchement si vous avez toujours eu envie de visiter le Mexique ou l'Argentine, ou une passion pour le cinéma néoréaliste, autant apprendre l'espagnol ou l'italien,ce sera un plaisir et pas une obligation. Et tout ça parce que c'est rattaché à quelque chose qui vous intéresse. L'anglais m'ennuie profondément dans sa dimension " internationale "ou " affaires " ( déjà les affaires  et le commerce, ça me gave rien que d'y penser). Par contre discuter de Neil de Grasse Tyson avec une canadienne à Toronto,ça c'était sympa, me marrer en écoutant les textes délirant des Toy Dolls, ça j'aime, visiter les Cotswolds ça ça me tente. Mais dans l'absolu, j'assume totalement aussi d'avoir atteint un niveau qui me suffit pour ce que je veux faire ( surfer sur le net, lire un peu en VO, écouter de la musique, discuter de sujets  normaux avec des gens normaux). Il me suffit et je n'ai pas vraiment envie de creuser d'avantage, n'ayant pas envie de donner des cours de français outre-manche.Le concept de la virgule d'Oxford me fait sourire, mais je n'irais pas me prendre la tête avec ça non plus. Comme 9 personnes sur 10 au moins, y compris parmi les anglophones de naissance.

Lauriane, qui a lancé l'idée du marathon des langues, expliquait que cette obligation vis à vis de l'anglais, peut être un vrai frein: on est mauvais dans la langue obligatoire, pour X raisons ( ce n'est pas un choix, on n'a pas forcément une affinité particulière avec elle..) donc on pense qu'on sera mauvais dans les autres. Et ce qui a débloqué les choses pour elle, c'est d'essayer le portugais avec lequel elle s'est découvert une vraie affinité. Et pourquoi pas? On a aussi besoin de francophones qui apprennent le portugais, et un interprète portugais-français aura toute sa place à la commission européenne ;)

Dans mon cas, j'ai réussi a échapper à l'anglais scolaire, qui aurait fait plus de mal que de bien,vu qu'on m'a donné le choix des langues, j'ai cassé les pieds au collège qui voulait m'imposer l'anglais. Donc non, allemand LV1 et espagnol LV2. Ils ont fait des pieds et des mains pour me faire changer d'avis, parce que ça leur posait problème, il était quasiment un fait établi, gravé dans le marbre que l'espagnol et italien LV2 avaient lieu en même temps que l'allemand LV1, car il était aussi un fait établi et gravé dans le marbre que tous ceux qui faisaient allemand faisant anglais LV2. On m'a priée, menacée,  essayé de convaincre mes parents de me " raisonner", que je ne pourrais jamais faire d'études supérieures si je n'apprenais pas l'anglais, que ma vie était foutue... Ben non. Non seulement cette prédiction ( dont j'avais bien compris, et mes parents aussi, que c'était juste pour ne pas refaire les horaires)  ne s'est pas vérifiée,puisque j'ai fait fac d'allemand avec option espagnol, mais en plus j'ai appris l'anglais à 23 ans, quand j'étais au chômage, en institut, en profitant des tarifs chômeurs. Et j'ai atteint un niveau supérieur en 1an et demi à ce que j'aurais eu en 7 ans de collège + lycée, parce que c'était mi labo de langues, mi petits groupes de niveaux, avec tests réguliers en face à face avec les instructeurs qui mettaient l'accent sur la communication.

Mais le cas que je mentionne pour l'anglais m'a quand même rattrapée avec l'espagnol, que j'ai appris plus par envie de voyager que par réel intérêt pour la culture en particulier d'un ou de plusieurs pays où il est parlé. Et que j'ai envie de réactiver juste parce que " ça serait dommage de le laisser rouiller". En fait j'aimais bien, à la base... j'avais des profs super au collège, jusqu'à ce que je tombe au lycée sur des profs qui m'ont dégoûtée : le fan de sport qui ne faisait travailler que sur des articles en rapport avec Indurain, les clubs de foot, les Jo de Barcelone, les courses auto et que sais-je, la prof allumeuse en minijupe et chaussures lamées qui s'asseyait sur la table ( mais flinguait le malchanceux Perdo, 18 à l'écrit, 6 à l'oral, parce qu'il parlait avec l'accent "pas académique"  d'Estremadura, appris avec sa grand-mère). Et celui de terminale, pas mauvais dans ma mémoire, mais dont je ne me souviens pas tant les deux précédents étaient allumés...
Mais voilà, je n'ai pas encore trouvé le truc qui ferait tilt pour me lancer à corps perdu dans l'espagnol. Alors que le Russe LV3, choisi totalement par hasard, presque à la courte-paille avec le chinois, a été un coup de foudre immédiat, pour la langue, pour la ou plutôt les cultures du pays, pour l'histoire, pour les légendes slaves, les paysages, etc...
J'ai tout simplement plus d'affinités avec les cultures  et les langues slaves et germaniques, ce que j'ai parfois du mal à faire comprendre à des gens, d'autant plus en étant native de PACA. " Comment?Mais tu es du sud et tu aimes la musique et tu n'as jamais fait d'italien?".. ben non, je le comprends un peu, j'aime bien Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman et la voix de Paolo Conte, mais je n'ai pas d'attirance pour la langue elle même. Autant dire un crime de lèse-majesté quand on vient d' Avignon.

Ma che, l'italien, ma, c'est  la langue dell'amore.. Ben oui, si vous voulez, mais je suis plus sensible aux poèmes de Pouchkine ou Essenine, v'voyez? Et l'italien,c'est aussi Dante et les cercles de l'Enfer, donc on continue les clichés?

Ce qui m'amène au problème de l'Espéranto. Langue artificielle, donc taillée pour la communication internationale, beaucoup plus que l'anglais.
Le souci de l'anglais c'est d'avoir une foule de cultures riches sur plusieurs continents : on peut légitimement être passionné par la culture western, ce qui était le cas d'une collègue de travail qui a sillonné les USA de long en large, en se foutant totalement de son accent franchouillard, ou kiffer le rugby, ou le rock britannique ou être tombé en pâmoison devant les paysages de Nouvelles Zélande chez Peter Jackson, se passionner pour la peinture de Turner, avoir rencontré un(e) charmant(e) australien(ne), ou juste crever d'envie d'aller plonger à la Barbade, ou vouloir aller travailler au Canada... tout ça se sont des raisons légitimes et solides d'apprendre l'anglais.. et dont 99% des gens qui veulent apprendre l'anglais sont détachés.

L'espéranto a le problème inverse: il n'y a pas de culture espéranto, il n'y a pas d'Espérantie à visiter (même si les espérantistes clament qu'elle existe et est mondiale), il n'y a pas de cuisine espérantie, les productions directement en espéranto sont une poignée, les publications sont avant tout des traductions d'autres langues, la chanson en espéranto est loin d'avoir l'audience internationale et se cantonne à des concerts..aux colloques d'espéranto. Je crois que vous voyez la limite. Ce qui fait qu'au final, la bonne idée n'a pas pris, comme c'est le cas pour les autres langues forgées.
Une langue n'est pas qu'une langue, c'est tout ce qui va avec.
Et en pratique le nombre de locuteurs qui l'apprend est estimée avec précision entre 100 000  et.. 10 millions. Pur comparaison, le français, locuteurs natifs et apprenants confondus est estimé à 250/ 300 millions de locuteurs, et le japonais qui n'est aprlé qu'au Japon ( ce qui est donc le cas inverse de l'anglais, une langue liée à une seule culture très isolée géographiquement) à 128 millions de locuteurs.
Il y a 330 000 locuteurs d'islandais, donc en fourchette basse, vous avez plus de 3,3 plus d'interlocuteurs possible en apprenant l'islandais. 467 000 locuteurs de frisons occidental, ce qui en fait une langue en gros 4,5 fois plus courante que l'espéranto.
Ok, ok, j'ai pris l'estimation basse, soyons optimistes, prenons l'estimation haute.
Le zoulou( isiZulu) compte 12 millions de locuteurs natifs, et 16 millions de langue seconde ET est doté d'une culture particulière, attractive, une musique, des revendications ethniques. Le tchèque compte 11 millions de locuteurs estimés, peut être aisément lié à un lieu, une culture, une musique,une histoire...

Et c'est le problème, je pourrais comparer avec d'autres langues inventées, notamment celles de Tolkien qui ont leur petit succès ( parce que Tolkien étant un philologue et polyglotte, et surtout un génie dans son domaine, il a construit ses langues dans un cadre plus vaste, en leur adjoignant des légendes, une géographie, une mythologie... Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il y a 10 millions de gens qui les apprennent de par le monde, car je ne trouve pas de statistiques, mais, il est vrai surtout dans le monde anglophone, il y a de l'offre de la demande

Les langues artificielles sont un sujet intéressant dans l'absolu, pour leur côté expérimental plus que pour leur potentiel (la limite étant probablement le "toki pona", quelques centaines de locuteurs, à quelques milliers au plus que vous pouvez apprendre en quelques jours: 123 mots, pas un de plus, et il n'y en aura pas un de plus, le dico toki pona est volontairement gelé. Par contre pour la précision, vu qu'un seul mot sert à désigner tout ce qui est sous la taille, c'est mal parti pour expliquer qu'on a mal au pied, au mollet, au genou, à la cuisse ou à la hanche).
Ou le solrésol, encore plus bizarre, expérimentation  française du XIX°siècle autour des 7 notes de la gamme, "parlable" donc avec des instruments, et évoquée dans Rencontre du 3° type. Codable aussi en 7 signes et 7 couleurs. Cool pour faire passer un message secret.

Là j'ai limite envie d'apprendre le toki pona pour UNE raison.La plupart des gens qui le pratiquent sont au canada, il y a donc des chances que personne ne le parle ailleurs. Donc: pour répondre en toki pona aux casse-pieds qui vous démarchent par téléphone. 👹

Mais il y au autre type de langue forgée, qui me parait plus intéressant et important que l'espéranto ou toute autre langue parlée: la langue des signes, car elle correspond à un besoin réel qui n'a pas d'autre possibilité se s'exprimer, et mériterait un enseignement plus vaste et peut être une harmonisation internationale, puisque presque chaque pays à la sienne ( il y en a même une spécifique à la Belgique francophone)
Le braille est différent, ce n'est pas une "langue des aveugles" c'est un système d'écriture qui vient se coller à une langue préexistante, donc oui, on peut coder de l'espéranto en braille, ça reste de l'espéranto. 
 
Qu'il y ait des spécificités à chaque culture ( un signe pour dire igname sera utile dans un endroit du monde et pas dans un autre), mais c'est vrai qu'une base commune serait bien pour permettre un minimum d'intercompréhension des sourds au niveau international. Il y en a 3 différentes rien qu'au Nigéria ou en Malaisie.

Evidemment là, vu que l'émission est visuelle, il ne s'agit pas d'un support écrit, il y aura de l'interprétariat possible plutôt que de la traduction.

Donc, oui si je devais apprendre une langue inventée, ce serait clairement plus la langue des signes que l'espéranto. Mais c'est une décision personnelle, libre aux gens qui sont attirés par l'espéranto de l'apprendre, JE préfère en apprendre une autre.
J'ai même envie de dire qu'entre le russe et l'allemand, j'ai déjà trouvé celles qui me conviennent, donc tout le reste ne peut être qu'un plus, par curiosité, mais sans passion, et je serais bien en peine de dire " ha j'ai trop envie d'apprendre ceci ou celà". Le japonais et l'espagnol sont plus liés à l'idée de voyage, le chinois ou le coréen m'intriguent vaguement, la seule bonne raison que je pourrais avoir pour apprendre une nouvelle langue à laquelle je n'ai pas pensé serait de sortir avec quelqu'un qui la parle. Bien évidemment que si des choses s'étaient passées avec au pif et tout à fait au hasard un des ukrainiens de l'été dernier, j'aurais appris des bases d'ukrainien. Ou d'arabe pour un égyptien, ou de grec moderne pour un grec... c'est du simple respect de la personne que de faire un pas vers elle au lieu de dire comme beaucoup de gens de ma connaissance ( y compris dans mes proches) " bah, elle est japonaise/ chinoise/ polonaise et on parle en anglais ça suffit bien"
Mais ça m'arrangerait de sortir avec quelqu'un qui soit locuteur natif d'au moins une des langues que j'apprends. Un québécois, ça marcherait aussi, hein...

anecdote: un français que je connais s'est disputé plusieurs fois avec sa femme japonaise pour un souci de décodage de l'anglais. Pour lui " nevermind" signifie " ne t'en préoccupe pas", et pour elle " ça ne te regarde pas"...C'est quand même dommage d'en arriver à se friter avec son conjoint parce qu'on aura mal décodé ce que veut dire quelqu'un dans une langue qui est seconde pour chacun ;)

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